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Avec ses télescopes intelligents, Unistellar vulgarise l’astronomie

Par Agathe Perrier, le 9 novembre 2023

Journaliste

Basée à Marseille, l'entreprise Unistellar réalise 15% de son chiffre d'affaires en France © DR
Pour rendre l’astronomie accessible au plus grand nombre, l’entreprise marseillaise Unistellar a créé deux télescopes « intelligents ». Entre autres particularités, ils se repèrent seuls dans le ciel. Décrivent ce qu’ils observent. Présentent une image nette et complète des objets détectés. Et offrent la possibilité à tous leurs utilisateurs, sans exception, de participer à de vrais programmes de recherche, y compris de la NASA.

 

L’astronomie passionne autant qu’elle déçoit le grand public. Dans le premier cas, en raison de la multitude et l’immensité des éléments présents dans le ciel : étoiles, nébuleuses, galaxies… Dans le second, car les télescopes traditionnels vendus dans le commerce ne permettent pas de (bien) les admirer. Entre médiocrité technique de l’appareil et difficultés de prise en main, les novices ont tendance à rapidement jeter l’éponge pour le ranger au placard. Une réalité à laquelle ont été confrontés Laurent Marfisi et Arnaud Malvache dans leur enfance. Si bien qu’à l’âge adulte, ils s’associent autour d’un projet : créer un télescope intelligent pour faciliter la pratique de l’observation des astres. C’est ainsi qu’est née l’entreprise Unistellar en juin 2015, à Marseille. Huit ans plus tard, elle compte plus de 10 000 utilisateurs dans le monde.

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Les télescopes d’Unistellar permettent de bien voir tous les objets présents dans le ciel contrairement à un télescope classique © DR

Intelligent, mais comment ?


La société commercialise aujourd’hui eVscope 2 et eQuinox 2,deux télescopes intelligents. « Ce sont des télescopes ultra-puissants qui, contrairement à un télescope classique, permettent de bien voir tous les éléments présents dans le ciel », expose Laurent Marfisi. Les appareils sont pour cela dotés d’algorithmes de superposition d’images qui compensent les mouvements de champ mineurs et la rotation du champ de vision. Combinés à une fonctionnalité de durée d’exposition variable, c’est ce qui garantit aux utilisateurs d’obtenir une image nette. Ils sont par ailleurs capables de comprendre ce qu’ils regardent. Là encore grâce à des algorithmes, qui comparent ce qu’ils voient avec une base de données de coordonnées recensant des dizaines de millions d’étoiles.

Donc pas besoin d’être un as en astronomie pour s’en servir ! Concrètement, un utilisateur n’a qu’à pointer son appareil vers le ciel. Via l’application d’Unistellar – à installer sur son smartphone ou sa tablette – il obtient alors la liste des éléments à observer à l’instant T et des explications sur chacun d’eux. Lorsqu’il en sélectionne un, le télescope le suit automatiquement. « En une soirée d’observation, vous pouvez ainsi voir une dizaine d’objets (étoile, galaxie, nébuleuse, comète…). Alors qu’avec un télescope classique, vous passez votre temps à le bidouiller pour, si vous avez de la chance, réussir à en contempler un », glisse le cofondateur.

 

 

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Les algorithmes développés par Unistellar réduisent la pollution lumineuse pour permettre aux urbains d’observer le ciel de chez eux © DR

Démocratiser l’astronomie

Il n’est pas nécessaire d’habiter en rase campagne pour profiter des capacités des télescopes d’Unistellar. Les algorithmes réduisent aussi la pollution lumineuse pour permettre aux urbains d’observer le ciel directement de chez eux.

L’objectif de l’entreprise n’est pas seulement de vendre ses appareils mais également de démocratiser l’astronomie et de la « faire entrer dans le quotidien des gens », dixit Laurent Marfisi. Pari réussi d’un point de vue technologique. Reste cependant un frein financier : l’eQuinox 2, le télescope entrée de gamme, coûte tout de même 2 500 euros. Et le eVscope 2, haut-de-gamme, 4 500 euros. Un coût qui se justifie par la qualité de ces produits, explique l’entrepreneur. « On veut tous que les télescopes soient moins chers, mais il faut que les entreprises derrière soient viables. Or, on ne peut pas faire autrement pour assurer un tel niveau d’expérience. Sinon on crée des gadgets qui déçoivent les gens ».

 

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Entre galaxies (comme ici en photo), étoiles ou encore nébuleuses, il existe une multitude d’objets à contempler dans le ciel © DR

Prendre part à la recherche

Les utilisateurs d’Unistellar les plus passionnés peuvent, s’ils le souhaitent, prendre part à de vrais programmes de recherche. L’entreprise a pour cela scellé des partenariats avec plusieurs organisations bien connues, comme l’Institut SETI, qui se consacre à la recherche scientifique, ou l’agence spatiale américaine (la fameuse NASA). « On a défini cinq domaines pour lesquels disposer d’un réseau mondial d’utilisateurs peut aider les scientifiques. À savoir la recherche sur les exoplanètes, la défense planétaire (les risques liés à un impact avec un astéroïde) et les études des astéroïdes, de l’activité des comètes et des phénomènes cataclysmiques », liste Laurent Marfisi. Les astronomes amateurs n’ont qu’à s’inscrire via l’application d’Unistellar et à suivre les instructions.

30 d’entre eux – dont quatre Français – ont ainsi pu confirmer l’efficacité d’une mission de la NASA lancée l’année dernière. Baptisée DART, elle avait pour but de tester, pour la première fois dans l’histoire, une méthode destinée à dévier un astéroïde susceptible de s’écraser sur la Terre (bonus). Une sonde a ainsi volontairement percuté l’astéroïde Dimorphos. Les utilisateurs d’Unistellar ont pu contempler le corps céleste avant, pendant et après cet impact. Leurs observations ont aidé à obtenir des données scientifiques sur les caractéristiques de l’astéroïde, qui ont ensuite été publiées dans la prestigieuse revue Nature.

 

 

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Unistellar vient de sortir un filtre solaire et planche sur de prochaines innovations © DR

Observer aussi le soleil

L’entreprise marseillaise est aujourd’hui mondialement reconnue pour ses télescopes intelligents. C’est d’ailleurs aux États-Unis qu’elle en vend le plus (50% du total de ses ventes). Vient ensuite l’Europe, qui représente 45% de son marché, dont 15% rien que pour la France.

Unistellar ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et planche sur de nouvelles innovations. Dernière en date : un filtre solaire à installer sur un de ses télescopes pour admirer l’astre du jour en toute sécurité. Un accessoire qui permettra, par exemple, d’observer l’éclipse totale du 8 avril 2024 – à condition de se trouver sur le continent américain. Un phénomène de cette envergure ne sera malheureusement pas visible en Europe avant 2026. Mais reste toujours le ciel et ses milliers d’objets, à contempler au quotidien sans jamais se lasser du spectacle. ♦

 

Bonus

  • Observer le ciel sans acheter de télescope, c’est possible – Des animations sont proposées tout au long de l’année, partout en France, par différentes structures. L’association française d’astronomie les recense sur son site internet en cliquant ici. À Marseille, le planétarium de l’observatoire historique ouvre au public tous les mercredis après-midi. Les visites incluent une séance de planétarium, la visite du grand télescope de l’observatoire et une observation du soleil si la météo le permet. Plus d’infos en cliquant ici.
  • DART : mission réussie pour le premier test de déviation d’un astéroïde – Menée par la NASA, cette mission a consisté à projeter un vaisseau sur un astéroïde. Objectif : parvenir à dévier sa trajectoire. Non seulement il a été atteint mais la sonde a même eu une efficacité plus considérable que ne le pensaient les chercheurs. Plus d’infos à retrouver dans cet article du Monde.