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L’engagement joyeux avec Samedi Bien

Par Marie Le Marois, le 8 février 2024

Journaliste

Le premier Samedi Bien a rassemblé 120 bénévoles et huit associations partenaires, dont 1 Déchet Par Jour ©Quentin Simon
Si le bénévolat est une évidence pour certains, il se révèle plus compliqué pour d’autres. Benenova a cocréé une plateforme pour faciliter l’engagement, mettant en lien associations et citoyens pour des missions ponctuelles et conviviales. Après Paris, Rennes, Lille et Nantes, l’association s’est déployée à Marseille en juillet 2023. Avec la création d’un concept innovant : Samedi Bien, le premier rituel d’engagement.
Pendant que des équipes s’apprêtent à nettoyer les abords du Mucem, d’autres s’activent ailleurs avec d’autres missions @Quentin Simon

Un attroupement s’est formé devant le stand de Benenova sur le parvis du Mucem, avec café, thé et musique à plein volume. Bien qu’il soit tôt ce samedi, une quarantaine de Marseillais ont répondu à l’appel pour un ramassage avec 1 Déchet Par Jour. Parmi eux, Victor, la trentaine nonchalante, qui admet n’avoir jamais « fait de bénévolat ». La raison ? « Par flemme, je crois ». Il avance son quotidien – juriste et une semaine sur deux à Paris. « Quand je reviens, je suis mort », lâche-t-il, un café fumant à la main. Alors, s’engager sur le long terme, ça ne l’attire pas vraiment.

Entraîné par ses « potes », dont certains sont bénévoles à Benenova, il est ravi du concept ‘’one shot’’ pour reprendre l’expression de Mathilde Thibaut, fondatrice avec Lucile Vinet de l’antenne marseillaise (bonus). Grâce à cette plateforme digitale de mise en lien, les Marseillais peuvent « piocher » parmi une dizaine de missions ponctuelles proposées durant la semaine. Et, depuis le 3 février 2024, le premier samedi de chaque mois avec Samedi Bien.

♦ Samedi Bien est une création de Benenova Marseille avec La Fabrique du Nous (Think Thank pour le ‘’vivre ensemble’’), Sista4good (communauté de femmes œuvrant pour un monde meilleur). Et Prono Bono Lab (spécialiste du bénévolat de compétence).  

Attirer les citoyens dits ‘’éloignés du bénévolat’’ 

Tri pour La Cravate Solidaire @Quentin Simon

La mission de Victor ? Ramasser pendant deux heures les déchets autour du Mucem, puis jusqu’au quartier de La Joliette. C’est un « clean walk », lance dans son mégaphone Natacha Grimaldi, responsable événementielle et des bénévoles de 1 Déchet Par Jour. Elle explique les consignes, puis distribue les sacs de tri : jaune pour les emballages, vert pour le verre, blanc pour le tout-venant et petit pour les mégots.

Pour cette première édition de Samedi Bien, sept autres actions étaient proposées en ligne, dans des domaines très variés. Partir à la rencontre des sans-abris avec Entourage, trier des vêtements pour la Cravate Solidaire, composer des colis avec La Banque Alimentaire, repeindre les communs de l’Auberge Marseillaise, etc. Des missions pour tous les goûts et accessibles à tous, sans prérequis de compétences, ni d’âge. « Le but est vraiment d’embarquer très large », insiste Tarik Ghezali de La Fabrique du Nous. 

Engagement inclusif

Ramassage de déchets au pied du Fort Saint-Jean @Quentin Simon

Ce 3 février, Samedi Bien a rallié 120 personnes, dont 23 enfants. Charlotte est venue avec son mari et ses deux filles de 5 et 2 ans au ’’clean walk’’ de 1 Déchet Par Jour. La première cueille de ses mains gantées les mégots, tandis que la seconde porte la petite poubelle. Sont présentes également une dizaine de personnes exilées de Kipawa, Sergio, Karine et les autres. Ainsi que Momo et Marie de la Maison Lazare, colocation solidaire entre personnes actives et sans-abris.

Les bénévoles du jour, tous armés de gants et de sacs, se dispatchent sur le site, d’abord dubitatifs – « tout à l‘air propre », souligne une femme d’un certain âge. Avant d’être embarqués au pied du Fort Saint-Jean par Marc, un habitant du quartier qui a rejoint les rangs de Samedi Bien. Là gisent bouteilles et canettes de bière dans les interstices des rochers de la digue, « le pire endroit de Marseille, ils viennent boire l’apéro et laissent leurs bouteilles », déplore-t-il.

♦ Benenova national en 2022 : 5 780 bénévoles mobilisés, 16 760 actions, 50 300 heures de bénévolat, 180 associations partenaires.

Lever les freins à l’engagement

L’engagement joyeux avec Samedi Bien 7
23 enfants et ados ont participé au premier Samedi Bien @Quentin Simon

Un peu plus loin, un autre Marc fait également de belles trouvailles, comme des sacs à dos. Ce chef d’entreprise a eu connaissance de l’événement par un de ses salariés, « donner des heures gratuites fait partie de nos valeurs ». Il loue la simplicité de la plateforme digitale de Benenova, « c’est très facile de s’inscrire ». Il suffit en effet d’indiquer son mail d’un clic en ligne et éventuellement ses préférences : distance, date, type d’action, etc.

Pour lever les freins à l’engagement, l’association a établi un cadre. Les missions sont non seulement ponctuelles, courtes et sans engagement, mais aussi chaleureuses. Deux jours avant la mission, les participants reçoivent une confirmation d’inscription avec le mail du référent, doublé d’un texto personnalisé et détaillé. Pour le ‘’clean walk’’, c’est Laurine, une jeune fille pétillante, sur place le jour J. Elle est une Supernova. « Son rôle ? Accueillir les participants avec le sourire, les accompagner dans leur mission et débriefer à la fin pour savoir si tout s’est bien passé », étaye Mathilde Thibaut, qui insiste sur ce volet accompagnement humain, forte de son expérience de bénévole (bonus).

Avec la joie

Temps de convivialité à l’Ehpad Ma Maison @Quentin Simon

Ramener de la joie dans l’engagement est un des piliers de Benenova. Ainsi, chaque mission se déroule dans la bonne humeur et se termine par un temps de convivialité. Le 3 février, les bénévoles et les associations partenaires se sont retrouvés au sein d’un site méconnu, présenté par Ensemble2generations : « Ma Maison » des Petites Sœurs des Pauvres. Un Ehpad qui accueille des personnes âgées aux ressources modestes ou en grande précarité dont des SDF. 

Les participants ont partagé un repas dans la salle des fêtes préparé par l’Auberge Marseillaise qui accueille des femmes vulnérables. Et écouté le retour d’expériences des associations partenaires, comme celui de La Cravate Solidaire : « On a pu faire un grand tri et on s’est bien marrés », rapporte un des responsables. Ils ont assisté à un happening. Et dansé avec des résidents de cette maison de retraite qui cherche aussi des bénévoles « pour l’accueil, l’animation, l’accompagnement des résidents », égrène sur scène sœur Mélanie, à la foi rayonnante. Pour les prochains Samedi Bien, il est déjà prévu un déjeuner au Cabanon de Simon (table d’hôte solidaire), un temps de danse Afrovibe avec Maryam Kaba à La Major. Et de yoga solidaire Nour au Pharo. 

♦ Besoin d‘un relai communication et de partenaires ESS pour étendre l’initiative Samedi Bien au niveau national. De Supernovas pour encadrer les missions. De partenariats avec des acteurs de la culture à Marseille pour renforcer l’impact des moments de convivialité.

1000 participants

Mathilde Thibaut et Lucile Vinet, fondatrices de l’antenne marseillaise Benenova

L’objectif du collectif Samedi Bien est de passer à seize associations, pour chaque arrondissement de Marseille. « Pour que les marseillais puissent œuvrer dans leur quartier, mais aussi en découvrir d’autres », souligne Mathilde Thibaut qui projette de se salarier en avril 2024. Elle caresse le rêve que ce rituel d’engagement fasse « boule de neige », et attire 500 participants la prochaine fois, « puis 1000 etc. ». Et qu’il donne aux Marseillais l’impulsion « de s’emparer du projet pour lancer des initiatives dans leur quartier ». 

Pour être davantage inclusif, elle crée prochainement « un parcours de l’engagement au travers du bénévolat et de la co-construction avec dix jeunes ‘’Neet’’ – sans emploi, ni étude, ni formation ». La cofondatrice, désireuse de « faire mieux pour mieux vivre ensemble », aimerait également lancer un programme pour les séniors et les personnes en situation de handicap. « On veut casser la barrière aidant/aidé », explique celle qui ambitionne de dupliquer Samedi Bien au niveau national. 

♦ Benenova est aussi un outil précieux pour les associations, car « elles n’ont pas forcément de ressources pour mobiliser et coordonner les bénévoles », précise Mathilde Thibaut. Il leur suffit de déposer en ligne une mission pour un besoin spécifique.

180 kilos ramassés

Victor, 33 ans, est prêt à renouveler l’expérience Samedi Bien @Quentin Simon

Les bénévoles de 1 Déchet Par Jour ont ramassé 180 kilos de déchets, dont 88 de verre et 46 d’emballages, pesés par catégorie à la fin de la mission par l’association. Durant le ramassage, des participants ont reçu de belles réactions. Un pêcheur : « Merci pour tous les Marseillais ». Des passants : « C‘est bien ce que vous faites ». 

Nombreux sont les satisfaits prêts à renouveler l’expérience Samedi Bien. « On fera la prochaine », affirment sans hésitation le chef d’entreprise et sa femme.

Idem pour Isabelle, son mari et ses trois fils. Pourquoi ? « Parce qu’on a fait une activité en famille », raconte souriant Paolo, 11 ans. Et Tom, son jumeau, d’enchaîner l’oeil lumineux : « C’était trop bien de ramasser et d’aller dans les rochers ». Et Victor ? Le trentenaire recommencera. Heureux « d’avoir été dehors avec [ses] potes et servi à quelque chose. » ♦ 

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Bonus

  • Histoire de Benenova Marseille. Avant de dupliquer le concept, Mathilde Thibaut vivait à Paris. Elle y était bénévole (Restos du coeur, Utopia, etc.), en parallèle de son travail de chef de projet de design produits. « J’avais toujours du mal à trouver les infos pour des missions ponctuelles ou il n’y avait pas toujours quelqu’un pour nous accueillir. Donc je me suis laissée embarquer dans un engagement tous les mardis soirs et comme je n’y arrivais pas toujours, je culpabilisais ». Sa première idée est de créer une application où l’on peut s’inscrire sur des missions de bénévolat ponctuelles. Elle déménage à Marseille attirée par la ville, mais aussi par son « gros tissu associatif ». Pour élaborer son projet, elle intègre l’incubateur Elles ensemble du Groupe SOS. Et se forme parallèlement à l’intelligence collective avec l’association Fertile. Elle croise la route de Lucile Vinet qui caresse le même projet et qui a été service civique chez Benenova en 2017. Pas besoin d’inventer un nouvel outil puisqu’il existe déjà.

Fortes de leurs expériences – bénévolat pour Lucile, entreprise pour Mathilde -, elles décident de monter l’aventure à Marseille. La phase test dure l’été 2023. Six mois plus tard, elles sont plus que jamais convaincues que le bénévolat constitue un levier puissant pour mobiliser. Et construire un nouveau modèle de société, plus juste et solidaire.

Chaque Benenova est local et indépendant. Benenova Marseille, c’est à ce jour une communauté de 500 personnes. Et 15 associations partenaires.

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  • Modèle économique. Financements publics et privés. Ainsi que des événements sur-mesure pour les entreprises : « L’idée est d’accompagner les salariés qui veulent s’engager pour une action caritative », détaille Mathilde Thibaut.
  • Associations partenaires le 3 février 2024 : La Cravate Solidaire Marseille, l’Auberge marseillaise, 1 Déchet Par Jour / 1 Piece Of Rubbish, Le Plan de A à Z, Banque Alimentaire des Bouches du Rhône, Les Jardins d’Haïti, Réseau Entourage
  • Prochains ramassages de 1 Déchet Par Jour. Love Ta Bonne Mère le 11 février à Notre-Dame de la Garde avec DJ et Batoucada. Et Anse de Malmousque le 23 février avec pique-nique à partager