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Pollution de l’air : des capteurs pour le grand public… enfin !

Par Olivier Martocq, le 27 janvier 2023

Journaliste

Le Module Air, développé par AirCarto et AtmoSud : il analyse en temps réel la teneur en CO2 et en particules fines ©DR

AtmoSud, l’organisme qui contrôle la qualité de l’air en Provence-Alpes-Côte-d’Azur a 50 ans. L’occasion de présenter un nouvel indice sur la pollution atmosphérique plus compréhensible pour le grand public, mais aussi de nouveaux outils de mesure. Individuels, simples d’utilisation et à prix abordable. Une révolution, car désormais, chacun pourra partout et à tout moment connaître la qualité de l’air qu’il respire.

 

La relation entre Marcelle et AtmoSud avait mal commencé. En 2019, la série « pollution de l’air » interrogeait sur le nombre de capteurs déployés sur Marseille. Et sur la pertinence d’implantations de nature à sous-évaluer l’impact des pollutions automobiles, mais aussi des bateaux de croisières et des ferrys. Quand il était maire, Jean-Claude Gaudin avait coutume de balayer les interrogations sur la qualité de l’air respiré par ces concitoyens d’une phrase : « Ici, on a le mistral qui balaie tout ». Botter en touche était la ligne de défense générale des responsables politiques. La problématique soulevée dépassait leurs compétences juridictionnelles, illustrait les limites de leur pouvoir et risquait d’affoler la population.

Depuis, la France a été condamnée par la Cour de Justice de l’UE pour son inertie dans ce domaine. Et, depuis 2021, le Conseil d’État inflige avec régularité des amendes records au gouvernement, car il ne fait pas assez pour faire respecter les normes sur la qualité de l’air.

 

Une menace invisible !

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La population doit s’emparer du problème de la pollution © DR

Le problème de la pollution de l’air, c’est qu’elle ne se voit pas. Elle tue sur le long terme. De l’ordre de 48 000 décès prématurés par an en France ; 2 500 à Marseille, ville la plus touchée de France selon France Nature Environnement. Mais les chiffres sont empiriques, la cause de la mort n’étant pas directement la pollution, mais le cancer ou bien des maladies cardiaques qu’elle a générés ou accélérés. Les capteurs, progressivement déployés sur les zones les plus peuplées, donnent désormais une photographie quotidienne de la qualité de l’air. Ils permettent, en cas de pic de pollution, de déclencher des alertes qui dans les faits consistent à en informer la population. Suggérant ainsi aux joggeurs de ne pas pratiquer leur sport. Aux asthmatiques et aux malades de rester chez eux. Les outils mis au point par AtmoSud devraient permettre de changer la donne.

 

Module Air, la mesure des espaces clos

Ce capteur itinérant analyse en temps réel la teneur en CO2 d’une pièce. Mais pas que, explique Paul Vuarambon, fondateur d’Aircarto et co-concepteur du Module Air. « On a deux sondes qui vont aussi permettre de mesurer les particules fines 2.5 et 10. Pour la garantie scientifique, les données s’affichent en chiffres. Elles s’accompagnent aussi d’un code couleur destiné au grand public. Vert, jaune, orange, rouge : tout le monde aujourd’hui comprend ce qu’elles signifient ».

Afin de faire connaître ce nouvel outil, dont le prix est inférieur à 400 euros, AtmoSud a choisi les écoles et l’organisme L’air et Moi, qui sensibilise les enfants aux bonnes pratiques. « Au bout de vingt minutes dans une classe d’une trentaine d’élèves, le CO2 atteint un seuil critique », expose Victor Hugo Espinoza, son président. « Trop de CO2 n’est pas synonyme de risque sanitaire. En revanche, ça provoque de la somnolence et des conditions peu propices à l’apprentissage. Il faut donc ouvrir les fenêtres, aérer. C’est là que les mesures de particules fines entrent en compte, car si ces indicateurs passent au rouge, on sait alors que l’école se trouve dans une zone de pollution de l’air ».

 

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Distribution de Modules Air aux maires de secteur de Marseille ©DR

Les premiers prototypes ont été livrés en novembre à quatre mairies de secteur de Marseille. Celles qui couvrent les secteurs considérés comme les plus pollués de la ville (1er,4e, 5e, 7e, 9e, 10e 15e et 16e). Didier Jau, maire EELV du 4/5, parie sur une prise de conscience des habitants : « C’est une solution de santé publique. Il y a des marqueurs, il y a des quantités. Ça fait voir l’invisible et prendre conscience à la population de la réalité d’un problème. Depuis septembre, nous avons une partie de notre secteur en zone à faible émission mobilité (ZFE), et une partie en dehors. À terme, cela doit nous permettre de mesurer si cette ZFE permet de faire baisser ou pas la pollution… Au-delà de cette analyse d’impact, l’objectif est que la population se saisisse de ces sujets pour que nous puissions tous avancer. Et imposer des mesures qui, sans ces informations, pourraient apparaitre comme confiscatoires ou restrictives de liberté de circulation ».

 

PMScan, le capteur individuel

Située à Rousset, dans les Bouches-du-Rhône, l’entreprise Tera Sensor développe ses propres capteurs brevetés « Made in France » pour la mesure de la qualité de l’air en temps réel. Elle commercialise désormais un capteur individuel à 225 euros HT, utilisable n’importe où. « Un capteur citoyen, selon Adrien Bellachen, son directeur des ventes. Il est mis à disposition des habitants de la métropole Aix-Marseille dans le cadre du projet DIAMS. Cette initiative permet d’expérimenter de nouvelles façons d’appréhender la qualité de l’air, tout en développant des solutions innovantes ». Voilà pour la philosophie.

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Le PMScan ©DR

L’utilisation du PMScan est simplissime. Le petit étui en plastique bourré de technologie que l’on peut porter à la ceinture pèse moins de 200 grammes. Il analyse les particules d’air et fournit, via une appli sur le téléphone, des données compréhensibles sur la pollution. Rentré chez soi, on peut voir les différentes mesures recueillies tout au long du trajet effectué. « C’est un plus, car il permet aux joggeurs qui courent sur la Corniche, par exemple, de changer de parcours ou d’horaire en fonction des taux de pollution affichés » se félicite Mathieu Izard, l’ingénieur qui a travaillé sur le prototype.

 

Un nouvel indice

Par ailleurs, AtmoSud s’appuie sur un nouvel indice pour afficher la qualité de l’air : ICAIR. Dans l’ancienne formule, les capteurs calculaient le polluant le plus présent. C’est ce critère qui était retenu pour les seuils de pollutions. Désormais, c’est la somme de tous les polluants présents dans l’air qui est prise en compte. « Dès que le niveau dépasse 3 sur ce nouvel indice qui est une échelle ouverte – pour l’instant graduée jusqu’à 10 -, les personnes malades ou asthmatiques doivent prendre des précautions. Les sportifs aussi ».

Stéphan Castel, le responsable de l’innovation fait très attention aux mots qu’il emploie quand il présente ICAIR. Au journaliste, il martèle que le risque sanitaire découlant de la pollution de l’air est sur le long terme. Pas à l’instant où s’affiche le chiffre, y compris rouge, sur le capteur. Dominique Robin, le directeur d’AtmoSud, rappelle de son côté que ces outils marquent une avancée notable sur cette problématique. « On inspire 15 000 litres d’air par jour sans que nos sens soient capables d’analyser la pollution qui s’insinue en nous. Nos capteurs et ces indices plus compréhensibles sont en quelque sorte une réalité augmentée ».

 

 

De nouveaux outils pour une prise de conscience générale ! 

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Un bateau de plaisance pollue au moins autant que sept voitures ©DR

L’objectif est double. D’abord la prise de conscience par le grand public d’une réalité « invisible ». Elle doit permettre de déboucher sur une meilleure acceptation des mesures prises. Que ce soit pour faire baisser la pollution automobile via les ZFE, les pistes cyclables, les transports en commun ou l’extension des zones piétonnes.

Mais aussi à Marseille, Toulon, Sète et Nice, l’ouverture d’un débat sur la pollution générée par les bateaux de croisière stationnés en centre-ville. Ou même les ferrys pour la Corse ou le Maghreb. Car, même si l’électrification va progressivement être déployée sur les quais, les manœuvres des navires se poursuivront.

La plaisance pourrait aussi avoir des comptes à rendre. Un test sur un voilier, une barque, un hors-bord et une vedette stationnés sur le Vieux-Port (au cœur de la ZFE) a donné un résultat surprenant. Chacun de ces bateaux pris au hasard générait une pollution équivalente à au moins sept voitures – et jusqu’à 35. Les plaisanciers n’en revenaient pas.

Avec ces nouveaux outils, tout le monde va désormais pouvoir connaître la qualité de l’air qu’il respire. Très simplement et en temps réel. De quoi inquiéter industriels, usagers et politiques, qui, en la matière, sont pour la plupart adeptes d’un déni de réalité ! ♦