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De bonnes idées qui tournent court #5 : Treeseve

Par Paul Molga, le 17 octobre 2023

Journaliste

[série] Arrivée sur le marché en 2020 avec un modèle de plantation vertueux fondé sur un engagement public-privé, l’entreprise de reforestation urbaine s’est heurtée aux choix d’investissement en temps de crise.

 

La graine n’a pas pris. Acculé par les dettes, le plus grand espoir industriel de renaturation des friches urbaines, Treeseve, est en procédure de liquidation. « Planter des forêts en ville sans espoir de rentabilité économique reste un vœux pieu », a confié aux Échos la cofondatrice de cette entreprise pionnière du secteur, Sophie Grenier. Elle connaissait les risques de son business model pour avoir notamment travaillé sur la notation des actifs extra-financiers chez Scope. « Planter un arbre entre dans cette catégorie désintéressée qui œuvre pour le bien commun et les générations futures. La France n’y est pas prête », déplore-t-elle.

 

Des îlots verts sur les friches industrielles


L’affaire avait pourtant bien commencé. En pleine crise sanitaire, alors que le monde porte sur la nature un regard plus bienveillant, l’offre de Treeseve arrive à point nommé. Elle propose son expertise aux villes pour créer des îlots verts et frais en lieu et place des friches laissées à l’abandon. La collectivité finance en partie les travaux. Les entreprises locales sont mises à contribution pour le solde dans le cadre de leurs investissements RSE.

« Nous n’avons pas eu de mal à convaincre avec ce modèle de proximité valorisant les territoires », raconte un ancien salarié qui les démarchait. Mulhouse, Nogent-sur-Oise, Caen, Caudry… Au total 18 villes relèvent le défi « un milliard d’arbres d’ici 2035 avec les communes de France » lancé par l’entreprise pour créer des centaines de puits de carbone dans les agglomérations.

 

  • Dans notre série « De bonnes idées qui tournent court » – Relire les articles consacrés à Totem Mobi (#1), des mini-voitures électriques louées à la minute, YoYo (#2), une plateforme de tri avec récompense à la clé, Maisons Bio (#3), les maisons qui produisent leur énergie et Oléo Déclic (#4), le carburant à base d’huile de friture usagée. 

Près de 270 000 arbres en deux ans

En face, quelque 160 entreprises mettent la main à la poche, avec des tickets modestes de 5000 à 10 000 euros. « En deux ans, nous avons planté presque 270 000 arbres », affiche fièrement Sophie Grenier. Son chiffre d’affaires était prometteur : 200 000 euros la première année d’exercice, un million en 2021, trois millions prévus l’an passé.

Elle souscrit des emprunts pour suivre le rythme, mais le soufflet retombe. Malgré ses efforts commerciaux portés par une vingtaine de salariés, l’activité ne dépasse pas 750 000 euros en 2022.

 

Pas de budget disponible dans les grands groupes

À Metz, par exemple, la municipalité a démarré la renaturation d’une ancienne caserne militaire en détruisant à sa charge une dalle de béton recouvrant deux hectares de terre. Pour un budget total de 700 000 euros, le projet prévoyait la création d’un parc paysagé planté de 60 000 arbres. Un peu plus du tiers a pu être réalisé avec la participation d’une dizaine d’entreprises seulement, des PME et TPE pour l’essentiel. « Les grands groupes locaux n’ont pas trouvé de place dans leur budget », regrette l’entrepreneure.

La crise ukrainienne et l’inflation ne sont pas seules responsables selon la cofondatrice de Treeseve. « L’écologie et le réchauffement climatique passent au second rang des préoccupations industrielles. Tant que la rentabilité immédiate restera au cœur du système économique, la mise en action de la conscience environnementale sera lettre morte ». ♦