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De bonnes idées qui tournent court #3 : Maisons Bio

Par Agathe Perrier, le 4 janvier 2023

Journaliste

Suite à la crise sanitaire, tous les contrats - sauf un - de la start-up Maisons Bio ont été annulés l'obligeant à cesser son activité © DR

[série] Des maisons en bois, produisant plus d’énergie qu’elles en consomment, et au même prix que des habitations traditionnelles, c’était la promesse de Maisons Bio. Du moins avant que la crise liée au Covid-19 ne passe par-là. En raison de l’envolée des prix des matières premières et des pénuries de matériaux, la start-up aixoise a dû mettre la clé sous la porte. Seul un exemplaire de ses demeures positives a pu voir le jour.

 

Maisons Bio, c’était le pari de Lucien Pirolo et Mathias Soulier. Un ancien constructeur de maisons individuelles et un ingénieur en génie civil – beaux-frères de surcroît – qui se sont associés à l’automne 2018 afin de démocratiser la construction de maisons positives. « Pour arriver à une maison qui produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme, il suffit d’avoir un bâti performant. Cela repose sur trois critères : l’inertie de la structure (ndlr : sa capacité à emmagasiner puis à restituer de l’énergie), l’étanchéité à l’air et la suppression des ponts thermiques », expliquait Lucien Pirolo à Marcelle à l’occasion d’un premier reportage en mai 2019 (à retrouver ici).

Sûrs de leur concept, les deux jeunes hommes ont démissionné des grands groupes où ils étaient employés pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. La commercialisation de leurs habitations positives et écologiques a démarré au printemps 2019. Et débouché sur la signature de contrats pour une demi-douzaine de maisons individuelles en France ainsi qu’un lotissement de 67 maisons en Espagne. « Sans dire que tout allait bien, l’activité était correcte. On signait des contrats même si on en aurait aimé plus », rembobine l’ancien directeur général. Le début des travaux était fixé au printemps 2020 pour la plupart des projets.

 

 

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Lucien Pirolo et Mathias Soulier lors du premier reportage de Marcelle en mai 2019 © Agathe Perrier

Contrats annulés, sauf un

17 mars 2020, début du confinement en France. Les chantiers n’ont pas le temps d’être lancés qu’ils sont déjà en stand-by. Quand l’activité peut reprendre, c’est la douche froide pour les deux associés de Maison Bio. « Les artisans ont rediscuté les tarifications car ils ont subi une hausse des prix, notamment en raison de pénurie de matériaux. On a donc dû revoir les prix des contrats de nos clients », explique Lucien Pirolo. Face à cette augmentation, la majorité abandonne l’idée d’avoir une maison positive.

L’accumulation des ruptures de contrats aura raison de la start-up. « On n’était pas encore assez structurés et solides, donc on a décidé d’arrêter. Mais on n’a pas délaissé nos anciens clients, au contraire. On a fait des bouts de chantier lorsqu’on le pouvait. Et on les a mis en relation avec des architectes pour qu’ils puissent terminer leurs habitations ». Quant au projet espagnol, il a purement et simplement été annulé.

Seul un client a voulu aller au bout. Les travaux de sa maison ont démarré en avril 2020 et se sont finis sept mois plus tard. « Ils auraient été menés plus vite en temps normal. Les délais de livraison du bois – nécessaire pour les murs, la charpente et la menuiserie – sont passés de deux à quatre mois. S’est en plus ajouté un petit problème de chantier. On était sinon capable de monter cette maison ultra-performante en trois mois », assure l’ex-DG.

 

  • Dans notre série « De bonnes idées qui tournent court » – Relire les articles consacrés à Totem Mobi (#1), des mini-voitures électriques louées à la minute et YoYo (#2), une plateforme de tri avec récompense à la clé.
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L’intérieur d’une Maisons Bio © DR

Des lobbies trop pesants

Deux ans après, Lucien Pirolo garde un goût d’inachevé. « On avait encore deux années de trésorerie devant nous. Surtout, l’étape clé aux yeux des banques pour le déblocage des fonds était de terminer une première maison, ce qui aurait été le cas en 2020 sans la crise », glisse-t-il. Il reste néanmoins fier d’avoir pu mener un chantier de A à Z. « En étant seulement deux, on a réussi à sortir une maison positive, à 1 500 euros le mètre carré. C’est bien la preuve qu’il est possible de bâtir des maisons avec peu d’impact sur l’environnement, bien plus vite qu’actuellement et dans les mêmes prix. Malheureusement la construction est un secteur où il y a beaucoup de lobbies, notamment au niveau du béton, qui empêchent les choses de bouger dans le bon sens », juge-t-il, amer.

Après avoir enchaîné divers jobs, Lucien Pirolo est aujourd’hui agent immobilier indépendant. Tout comme Mathias Soulier, avec qui l’entente est toujours au beau fixe. Mais l’ancien directeur général est catégorique : l’entrepreneuriat, pour lui, c’est fini. « Ce n’est pas un milieu qui me plaît énormément. Je ne suis pas assez passionné pour me battre contre toute la mécanique industrielle et commerciale qui est très lente en France », glisse-t-il. Devenu entretemps papa, il est de toute façon bien occupé désormais, et épanoui. ♦

À quoi peut ressembler une start-up sociale ? 5

*RushOnGame, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

 

Bonus

  • Des maisons positives fêtent leurs 10 ans – Dans le cadre du programme Comepos, une dizaine de constructeurs ont souhaité expérimenter les constructions à énergie positive. On est alors en 2013. Depuis, une vingtaine de maisons ont vu le jour. Et ce dans la France entière afin de couvrir toutes les zones climatiques et tester diverses solutions. Cinq ans après, le site Batiactu.com en a fait le bilan (à retrouver en cliquant ici). Parmi les dernières à être sorties de terre, trois maisons à Val-de-Reuil (Eure). D’apparence identique, chacune est en réalité composée de matériaux distincts. Car le but est d’expérimenter ceux qui seront utilisés dans les maisons du futur. Reportage à lire sur le site de La Dépêche Louviers.
  • Maison positive VS maison passive, quelles différences ? Comme expliqué, une maison positive produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Quant à la maison passive, elle est souvent appelée « maison sans chauffage », comme l’explique le constructeur Tramico. Elle repose sur un concept de construction très basse consommation, basé sur l’utilisation de l’apport de chaleur « passive » du soleil comme chauffage, sur une très forte isolation, sur l’absence de ponts thermiques, sur une grande étanchéité à l’air et sur le contrôle de la ventilation ainsi que sur l’utilisation d’appareils peu gourmands en énergie. Une des journalistes de Marcelle habite justement une maison passive et témoigne de son quotidien ici.
  • Lire aussi les articles de notre série « Habiter autrement » : un habitat en paille en Bretagne, une yourte dans le Vaucluse, une maison passive en Loire-Atlantique